Interview – Rencontre avec Paul Sibuet : un plasticien singulier

Exposé à New York, Saint-Tropez, Genève, Tel-Aviv ou encore Venise, Paul Sibuet s’est distingué comme un plasticien affranchi des conventions de l’art académique et de l’espace. Si le Lyonnais a fait ses armes en jouant avec les volumes, ses créations brillent par leur unicité, leur culot et leur technicité. The Milliardaire a rencontré l’artiste dans son atelier à Lyon.

Votre passion pour l’art est venue assez tard. Comment s’est-elle développée ?

Paul Sibuet : Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours désiré créer. En grandissant, j’ai été entouré de personnes qui s’épanouissaient dans l’art amateur ; notamment mon grand-père qui peignait beaucoup. Initialement, c’était plutôt la cuisine qui me stimulait. Après une école hôtelière, j’ai finalement trouvé le milieu rude et violent…

Je me suis donc posé la question : comment créer en étant dans un milieu plus agréable ? De là, j’ai intégré une école de design et d’art pour devenir designer d’objet. Simultanément, je travaillais dans l’atelier d’un artiste où je produisais principalement des natures mortes.

Finalement, vous vous êtes affranchi du tableau et de la toile pour investir l’espace. À quel moment, s’épanouir en tant que plasticien est devenu une évidence ?

Paul Sibuet : Je ne suis pas du tout typographique. Je préfère manier que dessiner. Mon père étant prothésiste dentaire, j’ai toujours été dans le plâtre à mouler des objets [une matière qui reviendra plus tard dans sa collection Flow, Ndlr].

Plus tard, j’ai voulu sortir de la technique de mon maître . Un tableau, c’est ennuyeux. Ça s’accroche et c’est fini. Toutefois, la matière et le volume me plaisaient. Je voulais que mes oeuvres investissent le lieu, qu’elles se mêlent corps et âme aux intérieurs de son propriétaire.

C’est d’ailleurs tout le concept de Flow : c’est un pot de peinture figé dans un mouvement. Il “déborde de créativité” et coule sur le parterre. Je me suis émancipé de tous les codes artistiques.

Par ailleurs, Flow est l’une de vos collections principales et la plus récente. Comment réaliser un trompe-l’oeil pareil ?

Paul Sibuet : Flow est l’aboutissement d’une longue évolution de mon bagage de plasticien. Ça se réalise comme de la pâte à modeler. À la base, c’est un tube de PVC que je fond et moule. Puis, j’y rajoute de la mousse expansive. Pour chaque modèle, néanmoins, j’emploie des techniques très diverses. Par exemple, j’aime y appliquer de la feuille d’or qui est une matière très noble. Elle met en valeur non seulement le mouvement de la sculpture grâce aux reflets, mais elle lui injecte un petit côté “bling-bling”. En parallèle, j’aime mêler les techniques et les matières d’antan (le marbre, entre autres) avec l’esthétique très contemporaine de mes oeuvres.

Auparavant, vous travailliez sur vos collections de natures mortes Breaking the Glass. Nous y voyons, par le biais d’objets, tous les déboires de la société de consommation. Y avait-il cette volonté de décrier le comportement de tout un chacun ?

Paul Sibuet : À vrai dire, je fais les choses assez naïvement sans être dans la revendication. Au contraire, Breaking the Glass est davantage un état des lieux plus ou moins positif de notre rapport à la consommation de masse et aux “drogues” qui ponctuent notre quotidien : l’alcool, le sexe, la malbouffe, la violence… Ce n’est pas un jugement, mais plus une observation par la carte de l’humour.

J’avais aussi la volonté de redonner une interprétation à des objets peu nobles ou souvent connotés négativement par leur symbolique. En chinant, j’ai trouvé une fausse Rolex que j’ai utilisée pour l’un de mes tableaux de Breaking the Glass. Certes, c’est un accessoire très ostentatoire, mais c’est aussi ce qu’un jeune travailleur va s’acheter quand il est fier de sa réussite. C’est un bel objet. Le choix des matériaux, c’est jouer avec les codes sans cracher dessus.

La collection Snapshot, quant à elle, revient sur les principes de Flow : s’approprier l’espace par le volume. Il me semble qu’il y a une petite histoire derrière sa conception…

Paul Sibuet : Snapshot faisait partie de mes premières créations. Quand j’avais 21 ans, j’avais des problèmes pulmonaires. Avec ces toiles “explosées”, j’ai voulu donner une forme à mes maux d’où le volume un peu torturé. Mon marchand d’art disait plutôt aux potentiels acheteurs que c’était une espèce de fleur [rires].

En ce moment vous jouez beaucoup avec vos créations Flow. Avez-vous déjà une petite idée de ce que vous voulez entreprendre à l’avenir ?

Paul Sibuet : Je suis un peu en stand-by en ce moment. Je travaille beaucoup sur les tailles de mes Flows. Là, j’ai des idées en tête, mais ce ne sont que des idées pour le moment. J’ai besoin de sonder avant de me lancer dans une création. Je ne crée pas pour moi, mais pour procurer du plaisir aux autres.

Mais, je suis ouvert à tout ! J’adorerais revenir à la cuisine, voire ouvrir mon propre établissement où je pourrais tout confectionner de A à Z : de l’ambiance, au menu en passant par le couvert. Je suis toujours mon instinct. Je fais confiance à l’avenir.

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